Le Kirghizstan est le pays idéal pour les amoureux de randonnées. Avec une altitude moyenne de 2750m, la plus grosse partie du territoire est constituée de montagnes. La chaîne du Pamir Alay, située au sud, est un massif de haute montagne qui s’étend également sur le Tadjikistan, l’Afghanistan et la Chine. Il possède trois sommets principaux de plus de 7000 m, dont le pic Lénine qui culmine à 7134 m.
Dans cet article je vous présente un fabuleux trek dans les montagnes d’Alay (un des plus beaux treks de notre tour du monde), qui peut se réaliser en 3 à 7 jours en fonction de la saison et de vos capacités physiques. Un trek qui mêle paysages incroyables et culture kirghize…!
Comment se rendre au départ du trek?
Le trek débute à Sary-Mogol, au sud du Kirghizstan. Pour s’y rendre depuis Osh, la 2e plus grande ville du Kirghizstan, il faut prendre un minibus (mashrukta) à l’ancienne garre des bus au Sud du Bazar Osh (Старый Автовокзал), comme indiqué sur la carte ci-dessous. C’est juste à côté du grand pont routier. La mashrutka part chaque jour à 14h mais il faut être là suffisamment à l’avancer car elle part quand elle est remplie (il vaut mieux être dans les premiers). Le trajet dure ~4h et coûte 500 soms/personne. A Sary-Mogol, le chauffeur dépose les gens à plusieurs endroits, vous pouvez demander de vous déposer au CBT (« Community Based Tourism Association »).
Est-il possible de faire le trek sans tente? Comment se ravitailler?
Quand nous avions fait le trek début juin, une tente était indispensable. Par contre en haute saison, il y a différents camps de yourthe du CBT où il est possible de dormir (ainsi que dans des auberges chez l’habitant dans les villages) et donc une tente n’est pas indispensable. Les camps n’étaient pas encore installés début juin. Si vous voulez faire le trek sans tente, il faut se renseigner au CBT de Sary-Mogol pour connaître les possibilités au moment où vous voulez faire le trek.
Pour les ravitaillements, nous avions prévu tout pour une autonomie totale sur l’entièreté du trek (nos sacs étaient lourds, je vous l’assure). Par contre on s’est rendu compte qu’il était possible de se ravitailler quelques peu dans les villages (possible de manger dans des auberges, d’acheter du pain ou des petits vivres à des gens) mais je pense qu’il ne faut pas trop compter là-dessus. En haute saison, si vous dormez dans les camps de yourthes du CBT, il peuvent fournir les repas. Concernant l’eau, on la prenait dans les rivières/sources qu’on rencontre tout au long du trek, mais il est indispensable de la purifier (filtre, Stéripen, etc).
Le trek: aperçu et itinéraire
Le trek est une boucle au départ de Sary-Mogol. Le trek fait environ 100 km, avec 9262 m de dénivelé (4435m D+ et 4827 m D-) et 2 passages de cols à plus de 4000 m d’altitude. C’est un trek assez difficile, particulièrement si vous le réalisez en autonomie totale. Le trek peut se réaliser entre mi-juin et début septembre. En dehors de cette période, les cols sont difficilement franchissables à cause de la neige et les températures sont très fraîches. Il vaut mieux se renseigner au CBT de Sary-Mogol pour connaître l’état des sentiers et l’enneigement des cols avant d’entreprendre ce trek.
Personnellement, nous avons réalisé le trek en 7 jours car nous savions que les passages des 2 hauts cols seraient difficiles à cause de la neige (début juin) et globalement on préfèrait prendre notre temps. En général, le trek se fait en 6 jours (en fusionnant nos étapes 3 et 4). Il est possible de le faire en 5 jours en prenant un taxi à l’arrivée aux camps de yourthes après le Jiptik pass pour écourter la dernière étape. Si vous avez peu de temps, il existe même une version réalisable en 3 jours comme décrite sur ce blog. Il faut alors s’arrêter à Kojokelen (notre étape 4) et prendre un taxi jusque Sary-Mogol.
La carte (maps.me) ci-dessous retrace le trek. Chaque étape est dans une couleur différentes sauf les étapes 3 et 4 qui sont toutes les deux en rouge (possible de les réaliser ensemble en 1 jour pour faire le trek entier en 6 jours). Sur ce site vous pouvez une autre carte utile. Sur l’application Mapy.cz, les sentiers et la topographie sont très bien définis, c’est carte que je conseillerais pour se situer en chemin.
Jour 1 (17 km, 1200 m D+, 400 m D-)
Le premier jour, le CBT nous a dit que le col de Sary-Mogol était toujours enneigé et que le passage était délicat (début juin). La situation au col de Jiptik à la fin du trek est aussi compliquée, le CBT ne sachant pas non plus si quelqu’un l’avait déjà franchit cette année. Nous avons donc décidé de prendre un guide, mais uniquement pour le passage du col de Sary-Mogol le premier jour. Le guide coûte ~3000 soms/jour. Il faut en plus payer un 4×4 (2000 soms) pour se rendre au départ du trek. Il est possible de faire le trajet à pied depuis Sary-Mogol mais il faut alors compter 1 jour supplémentaire.
Le premier jour est difficile car il faut franchir le col de Sary-Mogol à 4300 m d’altitude, avec une montée de 1000 m D+ (6h de marche). L’effort est plus difficile avec l’altitude, il vaut mieux être suffisamment acclimaté avant le trek. La versant lors de la montée est exposée au sud et la neige a déjà fondu. On passe de prairies de haute montagne à des paysages lunaires en approchant du sommet, avec pas mal de pierres sur la fin. Les dernières centaines de mètres sont difficiles, le souffle est court au delà des 4000m, on avance plus difficilement, mais le temps est clément et la motivation nous porte jusqu’au sommet.
Au sommet du col, les vues sont époustouflantes, on s’arrête un moment pour admirer des vues panoramiques! Ensuite vient la descente. Exposé au nord, ce versant est encore recouvert d’une épaisse couche de neige début juin. Le guide passe devant nous et prend le sac le plus lourd pour nous délester. Le risque d’avalanche est élevé avec la fonte de la neige en cette saison, on descend en se collant le plus possible à une zone de rochers sur les côtés. J’ai de la neige quasiment jusqu’à la taille, on avance difficilement, on se retient aux rochers avec les mains. La pente est très raide avec un dénivelé négatif de 200 m. Nous étions les premiers de l’année à passer le col, mais tout s’est bien passé, ouf! Quel soulagement en arrivant en bas! On prend un moment pour se sécher au soleil, et on aperçoit quelques mini-avalanches à ce moment là, gloups… Heureusement qu’on avait un guide qui connaît très bien la montagne et qui a pu nous faire passer par l’endroit le plus sûr.
Ensuite on continue à descendre encore un peu mais sans le guide cette fois (il nous a accompagné uniquement pour le col). Il faudra encore passer quelques plaques de neiges avant de se retrouver dans une zone de prairie d’altitude, entourés de yacks! Le paysage est grandiose, gigantesque, fascinant. On s’arrête là pour notre bivouac de ce soir, à 4000 m d’altitude. Certains yacks s’approchent de notre tente, curieux. Je trouve ces animaux tellement fascinants, des forces de la nature dans ces milieux exigeants.
Jour 2 (15 km, 1500 m D-)
La température la nuit était négative (estimée à -5°C), la tente et le ruisseau proche était gelés au réveil.
Cette journée est plus facile car on redescend dans la vallée. Le dénivelé négatif global est important, ça fait tout de même bien travailler les quadriceps. On voit des premiers nomades dans les pâtures. Ensuite en descendant encore on arrive dans des petits villages. On s’arrête à Kyzyl Shoro où on décide de dormir chez des habitants. On a la chance de pouvoir dormir dans un bâtiment à l’abri et de pouvoir prendre une douche chaude, pour une petit somme d’argent. Les gens sont très accuillants, ils nous invitent même à danser le soir!
Jour 3 (7 km, 825 m D+, 400 m D-)
On sort du village puis on aborde une montée assez raide pour arriver au col de Koshmoinok à 3200 m d’altitude. On croise des yacks, des vaches, des chevaux dans les pâtures. Ca descend aussi assez fort après le col. On s’arrête pour bivouaquer près de la rivière en bas, à côté d’un emplacement pour un camp de yourthes qui n’est pas encore monté.
Jour 4 (12.2 km, 376 m D+, 1000 m D-)
Cette journée monte jusqu’au col de Sarybell (3134 m). La montée est d’abord assez progressive puis après le dénivelé est plus diversifié. On passe plusieurs zones avec beaucoup de pierres (éboulis) à côté de parois assez raides. Ensuite on descend vers le village de Kodzhokel le long d’une rivière. Il est possible de dormir chez l’habitant ou dans une maison du CBT. Là-bas on décide de prendre un taxi (1000 soms) pour nous avancer un peu sur l’étape du lendemain car elle est assez monotone sur une route de terre le long de la rivière. On croise des petites fermes et du bétail. Le taxi nous dépose avant une zone d’aboulis où il ne peut plus avancer et on continue encore un peu à pied avant de s’installer pour la nuit au bord de la rivière (camp de yourthe non encore monté). Environ 1 km après ce camp, il y a une autre zone plate près de la rivière où il est possible de poser des tentes.
Jour 5 (15 km, 900 m D+)
Cette étape monte progressivement en suivant une route de terre le long de la rivière. C’est l’ancienne route qui permettait à des véhicules de passer le col dans le temps (vraiment dingue!). Actuellement elle n’est plus empruntable par des engins motorisés et n’est plus entretenue, il est clairement impossible de passer en voiture. On peut apercevoir à certains endroits des restes de véhicules et un camion entier dans un fossé en contrebas de la route, vestige des anciens passages de véhicules, qui devaient être non sans risques.
Comme on s’est avancé grâce au taxi de la veille, on essaie de se raprocher le plus du col de Jiptik pour passer la nuit car nous ne savions pas si nous aurons encore affaire à un passage très difficile à cause de la neige le lendemain et si quelqu’un d’autre a déjà ouvert la voie cette année. On installe la tente sur une zone d’herbes et de rochers avec une vue sur le col de Jiptik. Il y a très peu de places réellement plates mais ça fait l’affaire. Un paysage magnifique! On n’est plus qu’à 3 km du col. On observe des edelweiss (Leontopodium) partout dans les prairies, c’est fabuleux!
Jour 6 (15km, 1100 m D+, 865 m D-)
On se réveille également avec la tente gelée. On doit être à environ 3500 m d’altitude. On démarre dès les premières lueurs du jour pour que la neige soit encore suffisamment gelée et dure lors du passage du col afin d’éviter les risques d’avalanches. Il fait glacial, le vent pique, mais on avance bien. La montée est raide, il y a beaucoup de cailloux et rochers. Quand on arrive au pied du col, on se rend compte qu’un berger a ouvert la voie quelques jours avant notre passage, la neige a été tassée par les troupeaux, nous voilà rassurés! Il nous aura quand même fallu 3h pour faire ces 3 km jusqu’au sommet du col.
Après une petite pause bien méritée, on entamme la descente qui est aussi quelques peu périlleuse sur le premier kilomètre. Le sentier est raide et rocailleux. On entend des pierres chuter, ce n’est pas bon signe…On se dépêche et on reste attentifs. Ensuite la pente devient moins raide, mais toujours avec des rocailles, puis on retrouve des zones de pâture et un sentier de terre plus roulant. On longe la rivière et on s’arrête sur une zone plate où un camp de yourthe sera probablement installé l’été.
Jour 7 (13 km, 371 m D-)
Cette dernière journée se fait entièrement en descente, la pente est douce tout le long jusque Sary-Mogol. On croise des yourthes, des maisons sommaires en roulottes/containers et des dizaines de familles d’éleveurs avec leur bétail (vaches, chevaux, yacks). Il y a plusieurs passages de rivières (assez faciles mais il faudra peut-être retirer ses chaussures). Si nécessaire, il est possible de prendre un taxi sur une grande partie de l’étape pour redescendre à Sary-Mogol. A l’arrivée à Sary-Mogol, les vues sur le Pamir Alay et le Pic Lénine nous laissent bouche bée.
Si vous visiter le Kirghizstan, n’hésitez pas non plus à découvrir le trek de Sary Chelek (plus court et plus facile mais superne) ainsi que les possibilités de treks et randonnées au camp de base du pic Lénine!
Budget
Transport:
- Trajet Osh-Sary-Mogol en mashrutka (mini-bus): 500 soms/personne
- Trajet en taxi de SarMogol jusqu’au point de départ du trek: 2000 soms
- Guide (si nécessaire, optionnel en haute saison): 3000 soms/personne
Logements:
- Chambre double (2 personnes) au CBT de Sary-Mogol avec petit déjeuner: ~2500 soms/nuit.
- Nuits en bivouac pendant le trek: gratuit si vous avez votre propre matériel
Il est également possible de réserver des porteurs en plus du guide, ou de dormir dans les camps de yourthes du CTB (en haute saison). Se renseigner au CBT de Sary-Mogol pour les tarifs.